Où en est la production porcine à Taïwan ?
Avec une population d'environ 23,4 millions d'habitants, Taïwan est une île relativement petite située près de la côte est de la Chine. Bien que Taïwan ait réussi sur le plan économique, son agriculture ne représente que 1,5 % de son PIB. Cela n'empêche pas le pays d'être dans le haut du tableau en ce qui concerne la consommation de viande : 43 kg de viande de volaille par personne et par an (50 % du total) et environ 35 kg de viande de porc.
Les données sur la production porcine fournies par le Conseil de l'agriculture montrent que le nombre d'exploitations porcines a diminué de 99 % au cours des 40 dernières années, alors que la population de truies a été multipliée par 2,4 au cours de la même période. Cependant, le nombre de truies présentes dans les élevages porcins taïwanais aujourd'hui ne représente que 40 % de ce qu'il était en 1996. Depuis, il diminue d'année en année et s'est plus ou moins stabilisé depuis 2013 (voir la figure 1).
Figure 1 : Nombre d'élevages de porcs et population de truies à Taïwan depuis 1971
Le tournant a eu lieu en 1997, lorsque Taïwan a connu un recul important dans son secteur porcin en raison de l'apparition de foyers de fièvre aphteuse, causés par des porcelets vivants introduits en contrebande depuis la Chine continentale. Auparavant, Taïwan était le deuxième exportateur mondial de produits porcins, exportant de la viande vers le Japon et d'autres pays voisins. Au moment où la fièvre aphteuse s'est déclarée à Taïwan, la peste porcine classique (PPC) a également frappé les Pays-Bas, et l'incapacité de ces deux acteurs importants à exporter a entraîné une hausse historique des prix du porc. Mais rapidement, alors que d'autres pays augmentaient leur production, l'excédent de porcs sur le marché a entraîné un effondrement des prix au niveau mondial. Depuis lors, parce qu'elle a perdu sa capacité à exporter (ce n'est qu'en 2020 que Taïwan a été officiellement reconnue indemne de fièvre aphteuse sans vaccination), l'industrie porcine taïwanaise est confrontée à des défis et à des incertitudes. Aujourd'hui, Taïwan est autosuffisant à 90 % et doit importer de la viande de porc, principalement d'Europe et du Canada.
Comme le montre la figure 2, six grands comtés produisent de la viande de porc à Taïwan. Yunlin (centre-ouest de l'île) et Pingtung (sud-ouest) détiennent plus de 50 % de la population totale de truies. Les quatre autres régions sont Tainan (13,5 %), Changhua (11,2 %), Chiayi (8,1 %) et Kaohsiung (5,1 %). En termes de population porcine, les plus grandes exploitations (5 000 têtes ou plus) ne représentent que 2% du nombre total, mais elles élèvent 22% des porcs. Il faut également noter qu'il y a encore beaucoup de petits acteurs : les exploitations de moins de 100 têtes représentent 24% du nombre total d’élevages, mais elles produisent moins de 1% de la viande de porc du pays. Il est à noter qu’une enquête réalisée au début de l'année 2023 indique que 15 % des propriétaires de ces petites exploitations envisagent de diminuer ou d'arrêter leur production.
Figure 2 : Répartition géographique du nombre de truies à Taïwan
La majorité des élevages de porcs taiwanais sont privés et basés sur le modèle naisseur-engraisseur. En termes de génétique, le schéma classique est Landrace x Yorkshire x Duroc, mais certains éleveurs produisent le "porc noir de Taïwan", un produit haut de gamme et de première qualité, plus savoureux mais aussi plus cher à produire. La demande de viande de porc noir ne peut être satisfaite par l'offre actuelle d'environ 650 000 têtes par an, soit 8 % du nombre total de porcs abattus à Taïwan.
Après une année 2022 difficile, les prix des porcs taïwanais sont plus élevés en 2023, et il est de nouveau possible de gagner de l’argent. Au moment de la rédaction de cet article, le poids moyen à l'abattage était de 128 kg, et le prix au kg de 90 NT$ (2,73 €), contre un coût de production qui était estimé à 71 NT$ (2,15 €) en 2021. Une baisse de la production, causée par des coûts d'intrants élevés et des défis de productivité, explique cette augmentation des prix.
Contrairement à la plupart de ses voisins, Taïwan est encore épargnée par la peste porcine africaine (PPA), mais son climat chaud et humide rend la prévention des maladies plus difficile, notamment parce que la biosécurité doit être améliorée dans de nombreuses exploitations. Les producteurs de porcs doivent faire face à des maladies infectieuses telles que le Syndrome Dysgénésique Respiratoire Porcin (SDRP) et la diarrhée épidémique porcine (DEP), qui ont un impact considérable sur la productivité. On peut estimer qu'en moyenne, 35 % des porcs nés sont perdus avant l'abattage. Par conséquent, le nombre de porcs vendus par truie et par an est à peine supérieur à 16.
Un autre défi est le fait que Taïwan importe environ 90 % des matières premières utilisées dans l'alimentation animale et dépend des prix mondiaux. Enfin, la main-d'œuvre dans les élevages reste insuffisante.
Récemment, l'industrie a été encouragée à améliorer sa compétitivité par des alliances commerciales stratégiques et un meilleur marketing, et le gouvernement a lancé des programmes pour lutter contre le vieillissement et le départ à la retraite des éleveurs de porcs. En 2021, le gouvernement taïwanais a annoncé un plan d'investissement (« Comprehensive Transformation and Upgrade Plan of the Pig Industry in Response to Trade Opening » qui peut se traduire par « Plan global de transformation et de mise à niveau de l'industrie porcine en réponse à l'ouverture du commerce ») de 13 milliards de NT$ (400 millions d'euros) pour accroître la compétitivité de l'industrie porcine, améliorer la qualité de la viande de porc domestique, atténuer les impacts environnementaux et développer les exportations de viande de porc. Ces efforts comprennent des mesures telles que la régulation du marché intérieur du porc afin de maintenir des prix acceptables, la mise en œuvre d'une assurance porcine obligatoire afin de réduire les risques commerciaux pour les agriculteurs, et l'octroi de subventions pour la rénovation des élevages de porcs et l'investissement dans la prévention de la pollution.
Le plan se concentre également sur l'amélioration des normes d'hygiène et l'élevage de porcs de haute qualité, l'établissement d'usines d'abattage et de congélation, le soutien à l'adoption d'équipements de contrôle de la température pour les véhicules de transport et la promotion de la modernisation des équipements traditionnels de contrôle de la température dans les étals de boucherie. En outre, les autorités taïwanaises ont entamé des négociations concernant les conditions et les procédures d'exportation, tout en se concentrant sur le développement des marchés étrangers et en offrant des incitations et des subventions pour stimuler la croissance des exportations de plus de 20 %.
Un exemple concret de la mise en œuvre de ce plan de modernisation est celui de la « Taiwan Sugar Corporation » (TSC), une entreprise d’état fondée en 1946. À l'origine producteur de sucre, TSC a diversifié ses activités dans différents domaines, notamment l'agriculture, le tourisme et la biotechnologie. Avec environ 20 000 truies, c’est l'un des principaux acteurs de la production porcine.
Au cours des dernières années, TSC a commencé à transformer ses 13 exploitations porcines traditionnelles en "porcheries circulaires modernes". Il s'agit de passer d'un modèle naisseur-engraisseur à une production multisite, en mettant en place des bâtiments équipés d'une ventilation à pression négative, de systèmes de refroidissement par évaporation, avec contrôle des odeurs et des températures, ainsi que des systèmes d'alimentation automatisés. Des investissements spécifiques sont également réalisés pour économiser l'eau, convertir le lisier de porc en biogaz et produire de l'électricité à l'aide de panneaux solaires installés sur les toits. L’objectif est de mettre en place un "modèle d'exploitation durable avec zéro déchet et zéro pollution".
En conclusion, Taïwan, qui était autrefois un grand exportateur de viande de porc, doit relever de nombreux défis s'il veut redevenir compétitif sur le marché mondial. Les récents investissements et incitations pourraient enfin signifier un avenir plus radieux pour les producteurs de porcs taïwanais.
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